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Art contemporain

La croix "vivante" de Christophe Meyer (2008) pour l’église de Mutzig

Mutzig est une commune du Bas-Rhin, située à une vingtaine de km à l’Ouest de Stasbourg

Un exemple d’art contemporain permanent dans une église elle aussi moderne (1960-70), et tout récemment (200-2010) entièrement repensée et rénovée.

Pour prendre connaissance de la rénovation du bâtiment dans lequel se trouve cette oeuvre artistique : cliquer ici

Christophe Meyer est un artiste plasticien alsacien, originaire de Ste-Marie-aux-Mines, qui a travaillé et vécu au Cambodge et au Laos.

Contrastes avec l’autel en bois
Le pasteur Jacques Lorentz
Maître d’oeuvre du projet artistique et de la rénovation de l’église.
La croix dans son cadre architectural

Cette croix est une commande de la paroisse protestante de Mutzig (Bas-Rhin), et elle a été inaugurée en décembre 2008. L’aspect résolument novateur de cette croix a bien dérangé certains membres de la communauté, mais pour finir elle l’a adoptée, au point que certains ne supporteraient plus maintenant qu’elle puisse disparaître ou même changer (ce qu’elle peut faire, comme on le verra).

Selon le pasteur Jacques Lorentz, maître d’œuvre du projet (comme d’ailleurs de la rénovation de l’église), cette œuvre symbolique et picturale contemporaine a aidé la communauté à prendre une nouvelle orientation. C’est une œuvre qui parle et qui fait parler : "cela fait 14 ans que je prêche dans cette paroisse, et cette croix fait plus parler que toutes mes prédications".

L’artiste a voulu faire une croix qui soit un peu un contre modèle de la croix de Matthias Grunewald sur le retable d’Issenheim à Colmar.

En effet, la croix de Grunewald, que l’artiste avait l’occasion de regarder étant enfant - et qui l’effrayait - se détache sur un fond sombre, porte un Christ supplicié et défiguré par la souffrance physique. L’artiste a au contraire voulu faire une croix joyeuse, en elle même colorée, signe de résurrection plus que de souffrance, explosion de vie plus qu’annonce d’une mort prochaine. "L’anti-Grünewald est aussi visible par un autre élément, fondamental : la barre transversale de la croix n’est pas dans le haut mais dans le bas de la croix, et elle est incurvée vers la haut (tandis que celle de Grunewald l’est vers le bas). Anti-Grunewald également, le fait qu’il s’agit d’une croix sans crucifié, manière d’exprimer - comme dans la tradition réformée - que le Christ est déjà ressuscité (l’artiste de fait vient d’un milieu réformé).

En optant pour cette transformation plastique du signe cruciforme, l’artiste a également joué sur les connotations visuelles : on désormais voir autre chose qu’une croix, comme par exemple un bateau (la coque et le mat) ou encore une ancre, deux symboles très anciens qui signifient l’Eglise.

Mais l’innovation plastique ne s’arrête pas là : cette croix colorée est constituée de 23 toiles (de deux dimensions, soit carré, soit rectangulaires), qui sont simplement fixées les unes sous les autres ou les unes à côté des autres. Si bien que l’on peut enlever un élément de la croix sans toucher à l’ensemble. Mieux : il s’agit d’une oeuvre non figée, amenée à évoluer, puisque l’artiste a réalisé une vingtaine de panneaux supplémentaires, qui peuvent sur substituer à ceux déjà en place, selon les convenances et la volonté de la communauté. D’où son surmon, la croix "vivante" : elle doit transmettre un message de vie (et non de mort), mais elle-même "vit", en ce qu’elle ne reste pas figée dans son graphisme originel.

Ces panneaux peints sont en général monochromes, et constitués de couleurs lumineuses, chaudes. Il se dégage ainsi de cette croix une impression de chaleur, un dynamisme de vie, une impulsion vitale. Et cela d’autant plus que les murs de l’église sont blanc, et que l’intérieur est d’une extrême sobriété. Ce n’est pas tout : le dernier carré peint en hauteur arrive juste à l’angle entre le mur vertical et le plafond, comme s’il n’y avait pas eu assez de place dans la salle pour contenir le haut de la croix. Cette position un tant soit peu disgracieuse est bien sûr voulue, et indique que la croix pourrait être amenée à se prolonger hors de l’église, comme un signe se dirige vers le ciel, qui conjoint le ciel et la terre, le visible et l’invisible, l’humain et Dieu.

Il ne s’agit toutefois pas d’exprimer simplement, de manière euphorique et naïve, la joie, la beauté, la lumière de la foi. Pas de foi sans doute, pas de lumière sans obscurité, on le sait. C’est pourquoi deux des 23 toiles peintes le sont en noir. Quant à l’humain, il n’est pas totalement absent de ce signe : l’un des panneaux de la branche horizontale de gauche comporte une énigmatique figure humaine, vue de dos. S’agit-il toutefois bien d’un humain ? ou d’un ange ? Ou même d’une métaphore de Dieu, que l’on ne peut voir que de dos, mais jamais face à face ? Nous laissons la question ouverte ; chacun interprétera ce signe second à l’intérieur du signe premier de la croix, comme il le voudra.

la branche horizontale gauche :
elle comporte quelques panneaux plus sombres
le haut de la croix atteind le plafond
C’est comme si elle voulait traverser le bâtiment pour rejoindre le ciel
l’énigmatique silhouette, vue de dos

Jérôme COTTIN