Traduit de l’italien par Thérèse Boespflug. Préface de François Boespflug. Paris, Cerf, 2017, 382 pages.39 €. ISBN 978-2-204-11127-0
Auteure : Emanuella FOGLIADINI
Voilà un ouvrage historique qui intéressera particulièrement le protestantisme, même si la période est autre : l’A., une érudite italienne spécialiste de l’histoire de l’image byzantine, étudie les conflits sur les images qui ont traversé le christianisme oriental dans les premiers siècles, et plus particulièrement autour du Concile de Hiéra (754), qui vit la victoire (provisoire) des adversaire des images, ou iconoclastes.
On mélange souvent sous les termes "iconoclaste/iconoclasme" et "iconophe/iconophobie", deux attitudes fort différentes : ceux qui combattent les images par la pensée, par des arguments théologiques sont iconophobes et ceux qui les combattent par des actes de violences en vue de les détruire réellement sont iconoclastes. La Réforme protestante, même si elle fut accompagnée d’actes iconoclastes, fut iconophobe.
Revenons à notre auteur et à son étude : on sait en effet très peu de choses sur l’iconoclasme byzantin (par simplification, on va utiliser ce même mot pour les deux attitudes), dans la mesure où, après le triomphe des iconophiles (ou défenseurs de images) lors du Concile de Nicée II en 787, les écrits des adversaires des images furent quasi systématiquement détruits. Fogliadini cherche ici, en véritable historienne, a reconstituer cette histoire perdue : quels furent les arguments de ceux qui voulaient supprimer (détruire ou éloigner cela dépend) les images ? Elle arrive à montrer que, loin d’être des barbares incultes, les adversaires des images avaient une pensée théologique très élaborée et qui, bibliquement, a autant de fondements - sinon même plus - que les défenseurs des images. Autrement dit, ce débat, loin d’être guidé par de seules motivations politiques et de pouvoir, était un débat proprement théologique.
Quels étaient leurs principaux arguments ? Ils sont, eux aussi (comme ceux de leurs adversaires) de nature christologique : le Christ est aussi Dieu, or Dieu ne peut pas être représenté. Du reste, ni les textes bibliques, ni les premiers Pères de l’Eglise (Eusèbe de Césarée, Epiphane de Salamine, Origène), ne parlent de l’image comme prolongement de l’incarnation (argument majeur des iconophiles).
Le Concile de Hiéra - qui fut par la suite disqualifié comme 7e Concile oecuménique - fut donc à la fois un véritable Concile et un concile véritablement théologique.
L’A. remet donc en question l’iconophilie officielle des adversaires des adversaires des images, tant dans leurs arguments théologiques (moins fondés théologiquement qu’ils ne le prétendent) que dans leurs attitudes éthiques : une fois la victoire acquise, ils n’eurent de cesse de ridiculiser, fausser, censurer et supprimer les arguments de leurs adversaires.
C’est donc tout à fait à propos que l’auteure conclut en évoquant deux postérités, dans l’Église d’Occident, de cet "iconoclasme théologique et intellectuel" que l’Orient chrétien a supprimé : les réactions de l’Église franque autour des Libri Carolini (772-795), et la Réforme protestante, en particulier calviniste.
Jérôme COTTIN