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Architecture religieuse

La chapelle de Le Corbusier à Ronchamp (1950-1955)

La chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp (Haute-Saône) du Corbusier est maintenant inscrit à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO

La chapelle Notre-Dame du haut à Ronchamp, du Corbusier (1887-1965)

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Voir sur le même lieu Le monastère de Renzo Piano à Ronchamp (2006-2011)

La chapelle du Corbusier et le monastère de R. Piano

 C’est sans doute l’architecture religieuse la plus célèbre du XXe siècle, réalisée pour un lieu de pèlerinage marial catholique par… un architecte agnostique, mais marqué par la tradition calviniste de sa famille et de sa région d’origine.

 Le Corbusier (1887-1965), de son vrai nom Charles-Edouard Jeanneret, est en effet originaire de La Chaux-de-Fonds en Suisse, région protestante réformée. A propos du couvent de la Tourette, près de Lyon, Le Corbusier a fait cette observation, typiquement réformée : « Avec la lumière qui sera là-dedans, je compte que ce sera bien. Il n’y aura pas de distraction possible par les images. Si vous voulez être gentils, et témoigner de votre sympathique à votre architecte, c’est en refusant tout cadeau concernant des vitraux, des images et des statues, moyennant quoi on tue tout. Ce sont vraiment des choses dont on n’a pas besoin ». Cette remarque ne vaut pas pour le mur intérieur sud de chapelle de Ronchamp, où il y a bien quelques objets, vitraux, et peintures (ou toutefois le signe est préféré à la figuration), mais elle correspond exactement à l’aniconisme des deux oratoires.

La chapelle de Ronchamp représente un travail isolé dans la production mondiale du Corbusier. On peut toutefois y ajouter le couvent de la Tourette, et (terminée récemment à partir de plans de l’architecte) l’église de Firminy dans la Loire. Au début Le Corbusier n’était pas intéressé par ce projet, puis il est venu sur place à Ronchamp (Haute-Saône, près de Belfort) et a eu le coup de foudre pour la beauté du paysage.

J-J Virot, Président de l’Association et spécialiste de Le Corbusier
Avec des étudiants en théologie de Strasbourg

Jean-Jacques Virot est ancien architecte et prof. à l’Ecole des Arts appliqués de Strasbourg préside actuellement l’Association de l’œuvre de ND du Haut de Ronchamp (AONDH), propriétaire du site. Il a recueilli des informations orales de Lucien Ledeur, le jeune prêtre qui fut le collaborateur du Corbusier pour la construction de la chapelle. Celui-ci lui a dit que Le Corbusier lui aurait confié qu’il a relu la Bible avant de proposer les plans pour la construction de la chapelle.

Quelques informations techniques/architecturales transmises par J-J Virot :

La construction de la chapelle correspond à la découverte des capacités architecturales et créatrices du béton armé, qui est une pâte faite de poudre + gravier + eau qui durcit. On reconstitue ainsi de la pierre !
Les 5 points pour comprendre le style du Corbusier sont : - les piliers ; - le plan libre ; - la façade libre ; - la fenêtre en bandeau ; - le toit terrasse. Il est l’un des meilleurs représentants du courant architectural du modernisme (1920-1930).

La chapelle de Ronchamp prend sa place dans une spiritualité du sensible : tout ce qu’on pense, on le pense à partir de ce que l’on voit, de ce que l’on touche, de ce que l’on ressent.

La façace Sud
La façade Est
La facade Nord
La façade Ouest

La chapelle :
Il s’agit d’une « architecture réversible » : une chapelle extérieure : pour 2000 à 3000 personnes (pèlerinages) et une chapelle intérieure : espace restreint, pour 200 personnes. Ce bâtiment est très innovant, et en même temps totalement traditionnel. Le mur Est comprend donc deux dispositifs liturgiques, l’un à l’extérieur, l’autre à l’intérieur.
C’est une « matrice » : le bâtiment se présente comme impénétrable (de fait, la porte principale ne peut s’ouvrir que de l’intérieur).
L’architecture apprivoise la lumière dans ses deux composantes : lumière claire (clarté, luminosité) et mélange d’ombre et de lumière (contrastes, trous d’ombres et éclats de lumière).
7 piliers portent l’architecture. Les murs sont recouverts à la chaux, car ils sont faits de morceaux de pierres (de l’ancienne chapelle détruite dans les combats à la fin de la 2e guerre mondiale). Seule la coque (vide) du toit est en béton.

Pilier et coque de béton

Les façades : Aucune n’est plate ; elles sont toutes incurvées ; deux sont concaves :

  1. les côtés Est et Sud, là où il y a le plus de lumière et où se profile la vallée : l’arrondi vers l’extérieur signifie alors l’ouverture vers le monde, la lumière, la vie et l’activité humaines.
  2. Les deux autres côtés, Nord et Ouest, sont convexes, là où il y a peu de lumière (nord) et où elle diminue (ouest), et où se trouvent les montagnes : l’arrondi vers l’intérieur signifie alors le repli sur soi, l’intériorité.
Mobilier liturgique pour célébration extérieure
Presque un tableau abstrait
Autel et chaire également en béton
La porte principale ne s’ouvre que de l’intérieur

Avant de construire la chapelle, Le Corbusier a beaucoup voyagé ; il s’est laissé inspiré par les architectures de la méditerranée (peut-être des mosquées). Il nous fait part d’une sensibilité plastique et de ses expériences de l’architecture. Il a aussi été fasciné par la Chartreuse de Galuzzo près de Florence, qui constituent diverses architectures autonomes intégrées dans un ensemble plus vaste.

Le mur "sculpté" de la façade Sud
Choeur et mobilier liturgique
Le premier oratoire
Puis de lumière en haut du premier oratoire
Le deuxière oratoire : il est rose

Intérieur :
 Il y a trois autels, trois lieux de prières : le chœur et deux (petits) oratoires. L’intérieur de la façade Sud est structuré par un jeu d’inversions dans les ébrasements : ils ont des orientations et des profondeurs différentes selon leur positionnement. Ainsi quand la lumière traverse, elle a varie d’intensité selon les ouvertures.
Les vitraux, le mobilier liturgique, la peinture des portes, les croix (et les deux crucifix de très modestes dimensions, presque invisibles à première vue) sont de l’architecte, qui était aussi peintre.

Le lieu et l’histoire
1913  : la chapelle de pèlerinage est détruite par la foudre.
1926-1930  : reconstruction dans un style néo-gothique
1944 : nouvelle destruction par les combats en vue de la libération du territoire.
1950 : reconstruction par Le Corbusier. Celui-ci a eu la chance de bénéficier de l’ouverture exceptionnelle de certaines personnes (commission d’art sacré du diocèse de Belfort) qui ont accepté son projet novateur.

Croix et Christ en émail (petites dimensions)
Chaire en béton : oeuvre cubiste
La porte principale, avec motifs du Corbusier

Méthodologie d’analyse (de la chapelle et d’un bâtiment religieux) proposée par J-J Virot :
1. La question spatiale
2. Comment ça tient
3. L’enveloppe : ce qui assume le contrôle des ambiances (lumière, confort)
4. Les accès, la circulation
5. Le rapport au paysage, au lieu

Jérome Cottin