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Bibliothèque (1990-2022)

Mort de Dieu. Fin de l’art

Auteur : Daniel PAYOT (éd.)

Le projet de ce colloque interdisciplinaire organisé par le CERIT de Strasbourg est original : il s’agit d’explorer le sens de ces deux expressions en émettant l’hypothèse de leur possible rapprochement : "Mort de Dieu. Fin de l’art". Projet d’autant plus difficile que le champ sémantique de ces deux notions est flou et à priori différent. On ne s’étonnera donc pas que cette recherche fasse l’aveu d’une certaine désorientation, plus qu’elle ne propose des perspectives communément partagées. Deux interventions ont retenu plus particulièrement mon attention :

1. Celle de Boespflug qui évalue la thèse (déjà ancienne) de W. Schöne sur la fin de l’histoire visuelle (Bildgeschichte) de Dieu. B. montre de manière bien documentée (les théologiens protestants allemands qui s’intéressent à ces questions ne sont pas oubliés) que la "mort de Dieu" ne saurait être confondue avec son absence figurative. "On en vient même à soupçonner que c’est l’inverse qui est vrai. Trop montré, trop peint, Dieu meurt" (p. 33). Par ailleurs il faut distinguer entre représentations et figurations de Dieu. L’absence de l’une n’implique pas forcément l’absence de l’autre.

2. Celle du philosophe Didi-Hubermann qui "pose des questions aux fins d’une histoire de l’art". Celle-si se doit de s’élargir anthropologiquement, en s’intéressant à l’efficacité propre du visuel, dans l’image en général, dans l’art chrétien en particulier. La clé de cette critique réside dans une distintion féconde entre le visible (c’est-à-dire l’image telle que nous la connaissons généralement) et le visuel (c’est-à-dire l’aspect insolite, non immédiatement visible, caché, de l’image). Le visuel, c’est "l’inconscient du visible". Alors que le visible s’intéresse à la structure, le visuel s’intéresse à l’événement. Or on assiste aujourd’hui à une tyrannie du visible sur le visuel. Cette thèse, que l’a. développera dans un ouvrage à paraître, devra être reprise, car elle offre des repères possibles pour ceux qui cherchent à comprendre le monde actuel des images.

Je termine par deux regrets :

1. Que l’interdisciplinarité annoncée se soit presque exclusivement limitée à des relations entre art et philosophie. Mis à part l’intervention de Boespflug, la théologie était absente d’un colloque....organisé par un centre d’études théologiques !

2. Que les présupposés épistémologiques n’aient pas été plus explicités, ce qui fausse partiellement le débat, me semble-t-il. Car, de quel Dieu s’agit-il ? Du Dieu des philosophes ou du signifiant iconique "Dieu" ? Du Dieu de la révélation biblique ou d’une simple expression sémantique prétexte à la création artistique ? Malgré cela l’aventure, il est vrai, vallait la peine d’être tentée.